Les artisans de l'ombre du luxe

Née de la fusion de La Nationale et de Niklaus, la PME MHA s’est hissée parmi les grands dans la cour des experts du traitement de surface et imprime sa patte sur des mouvements, des briquets ou des instruments d’écriture

Le Temps | Fanny Noghero | 1.11.2023

Dans la zone industrielle de Meyrin, entre les écrins de Chopard, de la Fabrique du Temps Louis Vuitton et du Campus de haute horlogerie Richemont, une petite usine sans prétention produit parmi les plus beaux instruments d’écriture ainsi que des briquets de luxe, et décore les composants des mouvements de prestigieux gardetemps. Mais aucun nom ne filtrera, le secret doit demeurer bien gardé. Ici on travaille dans l’ombre des marques les plus convoitées, pour le bonheur de pousser la qualité à son paroxysme et non pour le désir de briller.

Chez MHA, fusion de LN Industries et de Niklaus, la traçabilité de l’ensemble du processus est aussi importante que le produit final. Une marque de fabrique qui permet à l’entreprise de se distinguer de ses concurrents. Du développement du produit à sa réalisation, toutes les étapes font l’objet d’un processus rigoureux, qui va de la formation des collaborateurs à la gestion des risques au sens large. «Cela nous garantit un niveau de qualité extrêmement élevé pour chaque pièce», souligne Andy Ras-Work, directeur général.

Vingt métiers et 80 employés

Cet ancien ingénieur chez Hewlett-Packard, qui a roulé sa bosse aussi bien en Amérique du Nord qu’en Asie, est à l’origine du mariage, fin 2017, de celle qui était connue comme La Nationale (LN Industries). Spécialisée dans la fabrication d’accessoires de luxe, elle a été fondée en 1905 dans la Cité de Calvin par quatre familles jurassiennes de sous-traitants horlogers et Niklaus, le spécialiste genevois de la galvanoplastie. «A un moment dans ma vie, j’ai eu envie de revenir à Genève, où j’ai grandi, afin d’investir dans des entreprises en perte de vitesse pour les redynamiser. C’est un peu par hasard que je suis tombé sur Niklaus, spécialisée dans les traitements de surface pour des domaines très exigeants tels que l’aéronautique, le médical et l’horlogerie. Quant à la filière accessoires de luxe de La Nationale, elle était en perte de vitesse. En créant des synergies entre les deux entreprises, en adoptant la même approche systémique et en mettant en place une stratégie, nous avons retrouvé le chemin de la croissance. Mais le facteur le plus important est de créer une dynamique qui implique beaucoup plus les collaborateurs, plutôt qu’ils attendent les directives de la direction.»

Une méthode de management qui est, selon Andy Ras-Work, la clé du succès d’une entreprise. Les deux entités regroupent aujourd’hui 8o employés pour une vingtaine de métiers. Pour faire face à la concurrence, le patron, toujours guidé par ses instincts d’ingénieur, mise beaucoup sur l’innovation et le développement. L’entreprise au notamment beaucoup investi dans des lasers Femto depuis 2015.

Reproduire au laser les Côtes de Genève

«En horlogerie, l’électrochimie (galvanoplastie) est utilisée depuis des décennies pour la décoration aussi bien des composants du mouvement que de l’habillage. Il y a quelques années, je me suis penché de plus près sur les nouvelles générations de laser Femto [type de laser qui produit des impulsions ultracourtes dont la durée est de l’ordre de quelques femtosecondes, ndlr]. Passionné et convaincu, je me suis formé et j’ai trouvé au sein de mes équipes des personnes motivées à suivre des cours et à se spécialiser dans cette technologie. Nous avons investi beaucoup de temps dans la formation de nos collaborateurs, qui sont désormais aptes à reproduire au laser l’aspect exact des décorations horlogères effectuées avec des méthodes traditionnelles, telles que les Côtes de Genève, le polissage, le sablage ou encore le guillochage. Et ce, sans perdre l’impact émotionnel que peut avoir le rendu et qui est cher aux marques actives dans le secteur du luxe.»

Un atout particulièrement précieux pour MHA, puisque ses lasers rendent les opérations répétables à l’infini, mieux maîtrisables en termes de sécurité et de qualité, et offrent, de surcroît, une plus-value sur le plan écologique en comparaison avec les bains chimiques. «Le laser nous permet de développer nos prestations et nous ouvre de nouvelles zones d’exploration. Nous sommes, par exemple, en mesure de proposer du marquage dans des pierres telles que du saphir», souligne l’ingénieur.

MHA utilisait auparavant le laser traditionnel pour l’identification des pièces dans le secteur médical, mais avec l’inconvénient que cela oxyde partiellement la surface. Ce qui n’est plus le cas avec les Femto.

Ces nouvelles technologies sont également utilisées pour l’autre secteur d’activités de MHA, à savoir la création et la production d’instruments d’écriture, de briquets et de petits accessoires haut de gamme pour les marques. Un marché qui comprend non seulement les maisons qui offrent ces objets en cadeau, mais également celles dont c’est un secteur d’affaires à part entière et qui les vendent à prix d’or. Un travail de l’ombre qui fait rayonner l’industrie du luxe suisse et international.

Prix SVC Genève

Qui succédera aux Caves de Genève au palmarès du Prix Swiss Venture Club Genève? Décerné en alternance avec le prix SVC romand, ce trophée récompense une P1V1E pour son exemplarité.

Partenaire de cette distinction, «Le Temps» brosse le portrait des cinq finalistes avant de connaître le verdict du jury qui sera dévoilé le 2 novembre à l’occasion d’une cérémonie au Bâtiment des forces motrices (BFM).

Impliquer tes collaborateurs est crucial pour Andy Ras-VVork, patron de MHA. (MEYRIN, 19 OCTOBRE 2023/DAVID WAGNIÈRES POUR LE TEMPS)
Impliquer tes collaborateurs est crucial pour Andy Ras-VVork, patron de MHA. (MEYRIN, 19 OCTOBRE 2023/DAVID WAGNIÈRES POUR LE TEMPS)

Source : Le Temps 1.11.2023