«Sans capteurs LEM, pas de voiture électrique»

Fondée il y a cinquante ans, la multinationale du bout du lac explique pourquoi elle a reçu le passage au tout électrique comme une bénédiction.

Article Tribune de Genève | Pierre-Alexandre Sallier | 10.11.2022

Blouses blanches et petits-fours. Fondé par Jean-Pierre Etter en 1972, le groupe LEM a célébré mercredi ses 50 ans en inaugurant son nouveau QG dans la zone industrielle de Meyrin – ZIMEYSA, dans l’équipement duquel 10 millions ont été investis.

“Même dans ces circonstances favorables, le défi reste que nos recettes… ne baissent pas.”

Frank Rehfeld, LEM

Vous gagnez votre vie avec de petits boîtiers électriques incontournables alors que le monde entier bascule sur… le tout électrique. Eldorado assuré pour les cinquante prochaines années?

Frank Rehfeld – Pas si simple… Au tournant du siècle, le prix moyen de nos capteurs était de l’ordre de 50 francs. Au milieu de la dernière décennie, on est descendu à 7 francs. Aujourd’hui cela doit tourner autour de 5 fr. 50. Bien sûr, en contrepartie nous en fabriquons 66 millions, contre 2 millions à l’orée de l’an 2000, ce qui nous permet d’enregistrer les résultats record publiés il y a deux jours. Mais ce mouvement se poursuit… Depuis cinq ans, notre priorité consiste à mettre sur des puces électroniques ce qui ressemblait autrefois à un petit boîtier; ce qui va réduire le prix des capteurs vers 2 francs. C’est pour cela que nous construisons une nouvelle usine à Penang, en Malaisie, qui démarrera début 2024. L’objectif visé reste que le tiers de nos capteurs soient désormais montés sur ces circuits intégrés. Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, notre principal défi reste de faire en sorte que nos recettes… ne baissent pas. Même dans des circonstances paradoxalement si favorables. La ligne d’horizon? Des ventes de 600 millions en 2026.

“L’automobile est le principal moteur de notre croissance.”

Frank Rehfeld, LEM

Cette pression sur le coût d’une poignée de capteurs semble dérisoire alors que le prix moyen d’un véhicule électrique en Europe approche encore les 60’000 francs…

Frank Rehfeld – Il faut comprendre que nous n’en sommes qu’au début. La pression des fabricants d’automobiles est d’autant plus forte qu’ils n’ont, sur ces véhicules, que deux leviers pour sabrer les coûts. La batterie et l’électronique de puissance. Ce n’est pas qu’une question de bénéfices. Réussir la bascule de l’automobile sur l’électrique signifie la rendre accessible. Résultat, même si leur nombre explose – et si chaque voiture accueille plus de capteurs –, nous estimons que le marché auquel nous pouvons répondre va être multiplié par trois. Mais, oui, l’automobile, avec laquelle nous réalisons près du quart de nos ventes, est maintenant le principal moteur de notre croissance.

La course vers la miniaturisation et la réduction des coûts. Évolution des capteurs de courant LEM, entre 1975 (Transfo Shunt, à gauche) et 2020 (modèle HMSR, à droite). LEM
La course vers la miniaturisation et la réduction des coûts. Évolution des capteurs de courant LEM, entre 1975 (Transfo Shunt, à gauche) et 2020 (modèle HMSR, à droite). LEM

Les chaînes de production automobile menacent de basculer en Chine. Que pèse, là-bas, un fabricant genevois face aux géants des composants électroniques, qui sont des voisins…

Frank Rehfeld – Mais les voisins… c’est nous. Nous sommes installés dans le pays depuis 1989 – j’y ai passé douze ans. Nous avons eu le temps de nous y faire connaître, bien avant l’émergence de l’ère du tout électrique. Aujourd’hui nous travaillons avec toutes les grandes marques automobiles chinoises. Et les six dixièmes de nos capteurs sont fabriqués sur place.

“À Meyrin, nous fabriquons des compteurs pour borne de recharge.”

Frank Rehfeld

“Nous avons jusque-là continué de payer nos employés russes.”

Frank Rehfeld, LEM

Que va devenir votre usine russe de Tver?

Frank Rehfeld – Cette petite unité fournissait principalement le ferroviaire et générait environ 2% de nos ventes. Lorsque l’embargo européen et helvétique a été décrété, nous avons dû tout arrêter car nous ne pouvions garantir que certains de ces composants ne finiraient pas dans des secteurs sous sanction. Depuis, nous continuons à payer sa vingtaine d’employés. Nous allons prochainement décider de l’avenir du site.

Source article : Tribune de Genève
Photo : Le président du conseil d’administration de LEM, Andreas Hürlimann (à gauche), aux côtés du directeur général, Frank Rehfeld, sur la ligne de production du nouveau siège de Meyrin. Le groupe, longtemps l’un des piliers de la zone industrielle de Plan-les-Ouates – ZIPLO, fête ses 50 ans, porté par un marché de la voiture électrique en effervescence.
STEEVE IUNCKER-GOMEZ