Le canton de Genève transforme ses ZI en écoParcs

La FTI accompagne les entreprises dans leur transition éco-industrielle

Article posté par Catherine Moncel | l’écho circulaire – La lettre professionnelle du recyclage et de l’économie circulaire| 22 mai 2018

Mutualiser une surveillance nocturne ou une collecte de déchets, investir dans l’installation de panneaux solaires sur des bâtiments administratifs ou industriels, se raccorder à un réseau de chaleur bénéficiant à toutes les entreprises, c’est le sens donné au projet écoParcs en Suisse. Impulsé par le canton de Genève il y a quatre ans et géré par la FTI (Fondation pour les terrains industriels), ce programme vise ni plus ni moins à transformer les quelque 44 parcs d’activités genevois, en modèles d’écologie industrielle.

Comment en quelques années, une politique locale peut-elle initier une mutation économique et environnementale significative dans l’aménagement urbain et industriel d’un territoire ? Tout commence dans les années 60 alors que le canton de Genève confie à l’opérateur de droit public FTI (Fondation pour les terrains industriels), la gestion de l’ensemble des périmètres industriels du canton. L’idée : mettre des terrains bon marché à disposition des entreprises industrielles et artisanales. Quelques décennies plus tard, les prises de conscience environnementales, les contraintes économiques et la pression foncière ont fait évoluer la mission de cet acteur public.
En 2012, la nouvelle constitution genevoise rebat les cartes et pour la première fois dans l’histoire du pays, introduit le droit à un environnement sain (art. 19 Cst. GE). En outre elle inscrit noir sur blanc les principes de l’écologie industrielle, alors que ce concept est déjà intégré dans la Loi cantonale sur l’énergie en 2010. En d’autres termes, la politique d’aménagement du territoire à Genève relève désormais d’une combinaison étroite entre économie, industrie et environnement. Dans cette perspective, la FTI élargit peu à peu son champs d’action, devenant propriétaire de terrains, mais aussi réaménagiste et animatrice de périmètres urbains. Concrètement, elle crée des synergies entre acteurs publics, développeurs immobiliers et entreprises ; elle vise à concilier l’activité économique avec son environnement en optimisant les infrastructures et les ressources, et propose un cadre de vie de qualité.

Les écoParcs concernent 68 zones industrielles

Cette nouvelle ambition a fait émerger il y a quatre ans, le concept des écoParcs. Il s’appuie avant tout sur une démarche participative qui tient en cinq piliers : la mise en oeuvre d’une gouvernance participative de proximité, l’implantation de la bonne entreprise au bon endroit, la création de symbioses territoriales et énergétiques via des mutualisations interentreprises, l’amélioration de la qualité de vie des parcs et la réduction d’ incidence environnementale par un bâti et un aménagement à faible impact. Ces écoParcs concernent directement 44 parcs d’activités, soit 68 zones industrielles. Cela représente une superficie totale de 845 hectares – 3,4 % du canton de Genève. Depuis son démarrage, trois écoParcs ont vu le jour : ZIPLO (Plan-les-Ouates), ZIRIAN (Riantbosson) et ZIBAY (Bois-de-Bay). Chacun est encadré par une commission constituée de huit membres représentant les entreprises, les communes où ils sont implantés, la FTI et l’Etat de Genève.
L’opérateur public urbain accompagne du début à la fin cette transition auprès des acteurs économiques. Mais les transformations sont parfois difficiles à accepter. « La synergie inter-entreprise prend du temps surtout parce qu’il faut changer les habitudes et échanger certaines données avec d’autres entrepreneurs. Ce sont des verrous culturels, psychologiques que nous nous efforçons de lever » avance Jean-Manuel Mourelle, attaché de direction en charge de la communication. Comment ?
En organisant des réunions d’informations, des ateliers et des groupes de travail. Mais pour les petites entreprises qui ont souvent le nez dans le guidon, cette approche n’est pas forcément adaptée. Dans ce cas, la FTI compte sur l’effet domino et l’émulation par l’exemple, en présentant des initiatives concluantes.« Mutualiser des services ou mettre en commun un activité ne tombe pas sous le sens. Les entreprises se côtoient mais ne partagent pas » explique Marc Sneiders Adjoint de la responsable de service – Aménagement.

Vers la création d’hôtels industriels

Comment trouver les moyens pour mobiliser acteurs privés et public ? Tout d’abord l’espace de plus en plus restreint autour de Genève a créé des tensions sur le foncier. Le territoire est devenu attractif pour des milliers d’employés suisses et français. Les parcs d’activités recensent 4400 établissements, essentiellement du secteur secondaire, et près de 68 000 emplois pour 500 activités différentes telles que l’horlogerie, l’artisanat du bâtiment, l’exportation de voitures, ou la logistique. Avec 13 % des salariés, l’horlogerie représente le plus fort créateur d’emplois. Cela oblige à repenser l’espace géographique où s’installent les entreprises. Or avec le changement de constitution, la loi d’aménagement du territoire impose un équilibre entre les zones agricoles, habitables et industrielles. Aujourd’hui, le canton de Genève se retrouve dans une impasse, obligeant le déplacement d’entreprises vers d’autres zones. Des solutions existent et des tendances émergent, comme par exemple, l’utilisation de bâtiments industriels en multi-usages.
Sur l’écoParc ZIMEYSA (Meyrin), un bâtiment industriel des années 50, d’une surface de 6000 m², vient de connaître une seconde vie. Entièrement réhabilité il y a un an, il a été racheté par la FTI qui a investi 2,5 millions de francs suisses. Très vite, la fondation trouve ses « bons locataires » en s’appuyant sur la mixité d’activités et les synergies potentielles. Depuis fin 2017, une menuiserie (EVM) cohabite avec une entreprise d’insertion professionnelle (Oeuvre Suisse d’Entraide Ouvrière) et un fabricant d’objets haut de gamme en métal (LN Industries). D’autres artisans et PME devraient bientôt les rejoindre.

Une nouvelle philosophie de gestion

Au-delà de la mutualisation de bâtiments ou de services, la FTI souhaite faire comprendre aux entreprises qu’en collaborant entre elles et en repensant leur modèle économique, elles peuvent ainsi dégager des investissements pour leur propre croissance. Des synergies sont possibles en particulier dans la production d’énergie sans CO2 (géothermie, solaire, biomasse), la gestion des déchets, la mobilité ou la surveillance. Face à une prise de conscience globale sur l’environnement, ces thématiques emportent l’adhésion des entreprises. Sur l’écoParc du Bois-de-Bay à Satigny, 150 entreprises évoluent sur 79 hectares dans la construction, la mécanique automobile, le recyclage et la logistique. Lors de sa création en 2014, l’écoParc a fait l’objet d’un concept énergétique territorial. L’enjeu : couvrir les besoins en électricité estimés à 10 GWh et assurer une production de chaleur basée sur des ressources locales. Le projet a été lancé fin 2017. Un parc de production d’électricité solaire et photovoltaïque sera installé sur les quelque 53 000 m² de surfaces de toitures.
Pour encourager la mobilité durable, un parking mutualisé de 600 places est prévu en 2019 sur la ZIMEYSA. Cette structure bâtie en silo ne doit pas entraîner de trafic supplémentaire à l’intérieur de l’écoParc. Destiné aux entreprises proches et comptant un nombre important de collaborateurs, ce parking vise à libérer des surfaces, affectées aujourd’hui au stationnement de véhicules. Pour se voir attribuer des places, les entreprises devront adhérer notamment à un service de mobilité interentreprises de la zone.
Dans un contexte de profonde transformation de l’industrie – par l’arrivée rapide du digital dans les processus de conception et de production ainsi que la généralisation du e-commerce comme mode de distribution – le rapport au territoire des entreprises évolue : elles ont besoin de moins de place, d’espaces de travail évolutifs, d’un cadre agréable et sain. Soutenu par la canton de Genève et sa constitution, le concept écoParc guide ces principes depuis plus de 5 ans et ne s’arrêtera plus. Il s’inscrit désormais dans la durée en illustrant une nouvelle philosophie de gestion du territoire genevois.

En plus :

L’association écoparc de Neuchâtel a intégré l’Association PALME (France) en 2017 et représente aujourd’hui PALME Romandie. Le réseau PALME est actif depuis plus de 20 ans dans l’échange entre parcs d’activités ayant adopté l’écologie industrielle, et compte plus d’une centaine de membres répartis dans toute la France, la Belgique et au Québec. PALME Romandie permet d’échanger non seulement entre les acteurs des zones d’activités en Suisse mais également avec les autres pays et régions francophones. Le 7 juin prochain, lors de son assemblée générale à Lausanne, l’association Ecoparc inaugurera officiellement son réseau PALME Romandie, en présence de Suren Erkman, responsable du groupe Écologie industrielle, à la Faculté des géosciences et de  l’environnement de Lausanne, Joël Monti, directeur de l’association nationale PALME France et Shayma Shaban, Cheffe de Projets à la FTI.