Alors que le marché de l’immobilier commercial ou de bureaux est sous pression, le secteur de l’immobilier logistique, lui, connaît une véritable croissance. Attention toutefois à bien mesurer les caractéristiques propres à cette activité qui peuvent venir contrarier certains investisseurs.
Tribune de Genève | ImmoPlus | 13-14 octobre 2018 | par Pierre Jacquot, Président de SVIT Romandie
Au début d’octobre, l’Office fédéral de la statistique annonçait que 72% de la population suisse âgée de 15 à 88 ans a effectué au moins un achat sur l’Internet. Pour que les consommateurs puissent être livrés 24 heures après leur achat (ce délai de livraison devient la norme), cette activité requiert une organisation logistique efficiente qui repose sur la mise à disposition de bâtiments modernes, bien conçus et très accessibles.
Le développement du commerce en ligne avec ses taux de croissance remarquables a déjà bouleversé de nombreuses industries, comme celle du livre ou du vêtement. Cet essor stimule par conséquent le secteur de la logistique en Suisse qui représente aujourd’hui un marché estimé entre 38 et 39 milliards de francs par an et qui emploie 181 000 personnes. Dans notre pays, 61% de la logistique est assurée par la route, mais le réseau ferroviaire est également très utilisé. Deux principaux facteurs favorisent le développement de cette industrie: d’une part, la croissance économique qui entraîne une augmentation des flux de marchandises, des exportations et des services logistiques. D’autre part, il profite des profonds changements intervenus dans le commerce électronique et de l’expansion de la distribution via les canaux en ligne.
Pour les entreprises suisses, une logistique moderne et de plus en plus automatisée représente un avantage concurrentiel majeur et donc une nécessité pour assurer leur pérennité. De nombreux bâtiments et installations logistiques doivent par conséquent se rénover. Mais cela nécessite souvent des investissements importants. La grande majorité des halles et installations de logistique sont la propriété d’entreprises qui en sont également les utilisateurs. Mais, pour se concentrer sur leur cœur de métier, ces entreprises commencent à envisager plus régulièrement de se séparer de la propriété de leurs murs afin de privilégier la location. Ainsi, un nombre croissant d’immeubles de logistique sont désormais conçus, puis cédés à des fonds spécialisés, comme le Crédit Suisse Real Estate Fund Logistics Plus ou Procimmo. Ces fonds, qui s’adressent à des investisseurs qualifiés, principalement aux caisses de pension, proposent des baux à long terme à des locataires comme des grands négociants, des industries ou des prestataires, tels que la Poste. Alors que le volume total des nouvelles constructions dans le secteur de la logistique s’élève à environ 1 milliard de francs, seuls 13% ont jusqu’à présent été réalisés par des investisseurs institutionnels. Le potentiel est donc encore important.
Tout comme pour les autres secteurs de l’immobilier, la forte demande et les taux d’intérêt faibles ont contribué à l’augmentation des prix de l’immobilier lié à la logistique. Néanmoins, les rendements restent supérieurs à ceux des immeubles d’habitation, des immeubles de bureaux ou ceux du commerce de détail. Selon les chiffres de Wüest Partner, la marge brute d’autofinancement dans le segment logistique varie de 5,9 à 7,8%. Avec des locataires très solvables ayant des utilisations à long terme, ces installations sont stables et de grande valeur.
D’autres grands investisseurs institutionnels font désormais preuve d’intérêt pour cette classe d’actif. Swiss Prime Site (SPS), la plus grande société immobilière suisse, a intégré l’immobilier logistique dans sa stratégie de développement. SPS réalise actuellement des nouveaux immeubles dédiés à la logistique: Espace Tourbillon à Genève propose une gare logistique souterraine et des espaces de stockage reliés à cinq bâtiments, desservis par des monte-charges de grande capacité. Des surfaces destinées au commerce et aux services sont également disponibles pour améliorer la qualité de vie du lieu. SPS a récemment acquis le projet WestLog, lancé par Implenia à Zurich-Altstetten. Le projet est conçu pour des surfaces de bureaux et des installations de stockage automatisées. La mise en service du bâtiment, d’une surface utile d’environ 17 500 m², est prévue pour 2020. Selon les informations de SPS, plus de 85% de l’espace disponible ont déjà été pré-loués pour une longue durée à un grossiste suisse.
L’immobilier de logistique est fondamentalement associé à des risques entrepreneuriaux, tout comme l’est l’immobilier hôtelier. Avant d’envisager un projet de ce type, tout investisseur devra donc examiner les mécanismes spécifiques à ce secteur ainsi que les
besoins des utilisateurs. En effet, des industries telles que l’alimentaire, la pharmaceutique, la micromécanique, etc., exigent des adaptations techniques indispensables au bon fonctionnement de leur activité. Par ailleurs, en comparaison avec un bâtiment commercial conventionnel, les halles logistiques peuvent être construites à des coûts de construction nettement plus bas et dans des délais plus courts. La concurrence peut donc être intense et une proportion plus élevée de l’investissement est par conséquent directement liée au terrain et à la localisation. Enfin, le secteur de la logistique est très compétitif et exige une grande flexibilité. Par exemple, une entreprise peut préférer un ancien bâtiment à du neuf en raison de l’accès à une ressource ou à un sous-traitant situé dans un périmètre proche. Les investisseurs qui souhaitent développer de l’immobilier logistique doivent donc anticiper l’éventualité que leurs baux puissent être résiliés et réfléchir à l’avance comment et à quel prix ils devront adapter leur bâtiment pour pouvoir à nouveau générer des revenus.
Image : Reuters