Le périmètre Praille Acacias Vernets est depuis les années 60 la plus grande zone industrielle du canton de Genève. à cheval sur trois communes, Genève, Carouge et Lancy, cette zone industrielle encore en fonction a été déclassée en 2011 pour accueillir des logements et des activités mixtes. L’objectif est de créer neuf nouveaux quartiers vivants et diversifiés et de répondre à la pénurie de logements qui sévit actuellement à Genève. Interview croisée avec les trois Directeurs généraux des entités qui pilotent cette vaste mutation.
Rédaction focus.swiss | Océane Ilunga | 26.09.2024
Saskia Dufresne, pourriez-vous nous donner un aperçu général du projet PAV ?
Le projet PAV est né il y a plus de 20 ans dans l’esprit de nos autorités cantonales. Il s’inscrit dans un contexte de réflexion profonde sur l’avenir du territoire genevois, soumis à de fortes pressions économiques et à une demande croissante de logements, face à une pénurie persistante depuis plusieurs décennies. L’idée initiale était de repenser l’usage du périmètre PAV, historiquement une zone industrielle et artisanale. Dans les années 60, cette zone se trouvait en périphérie de la ville, conformément à la logique de l’époque qui éloignait les activités industrielles des zones résidentielles en raison des nuisances qu’elles pouvaient générer. Cependant, au fil du temps, le territoire genevois s’est densifié, en grande partie contraint par ses frontières internationales et intercantonales. Aujourd’hui, ce périmètre se trouve en plein centre-ville, ce qui a conduit le Canton et les Communes de Genève, Carouge et Lancy à mener une réflexion sur sa reconversion pour répondre aux besoins en logements et en développement économique du canton. En 2005, un consensus s’est dégagé autour de l’idée de transformer cette zone en nouveaux quartiers, répondant à la demande croissante de logements tout en maintenant un tissu économique local, ainsi que des activités artisanales et de logistique urbaine.
Ce projet de régénération urbaine, qui concerne 140 hectares sur les 230 hectares du périmètre d’étude, est d’une ampleur inédite. Il s’agit aujourd’hui de l’un des plus grands projets de renouvellement urbain en Europe. 12 000 nouveaux logements seront réalisés et quelque 5 400 emplois seront créés, s’additionnant aux existants.
Pourquoi choisir de transformer plutôt que de tout reconstruire ?
Saskia Dufresne : Comme dit précédemment, cette zone est aujourd’hui intégrée au centre-ville, ce qui en a fait une candidate idéale pour une transformation plutôt qu’une démolition complète. Cela s’inscrit également dans la stratégie cantonale d’aménagement du territoire. Genève est un petit canton, et à l’échelle nationale il existe une volonté forte de préserver les zones agricoles et les espaces naturels. Le principe qui guide cette mutation est la stratégie de « produire la ville dans la ville ». Il s’agit de densifier et de revaloriser des zones déjà urbanisées, plutôt que d’étendre la ville en empiétant sur les terres agricoles et les espaces naturels, que nous tenons tous à préserver.
Comment ce projet s’intègre-t-il dans le Plan Directeur Cantonal 2030 ?
Vinh Dao : Le périmètre Praille Acacias Vernets représente le plus grand potentiel de logements du Plan Directeur Cantonal. C’est là où le Conseil d’État attend un impact significatif. Aujourd’hui, par exemple, Carouge compte environ 12 000 logements, soit quelque 22 000 habitants. Avec le projet PAV, nous recréons une véritable ville dans la ville. Ce qui rend ce projet unique, c’est qu’il ne s’agit pas d’une friche industrielle, mais d’un territoire encore en activité. En Europe, des projets de cette envergure ont déjà été réalisés, mais rarement dans une logique de mutation urbaine.
Guillaume Massard : Le lien avec le Plan Directeur Cantonal (PDCn) est essentiel pour mener à bien une transformation d’une telle ampleur. La Fondation pour les terrains industriels de Genève (FTI), qui gère toutes les zones industrielles du canton et soutient l’économie industrielle et artisanale, a pu, grâce au PDCn, créer de nouveaux périmètres industriels plus en périphérie. Cela nous permet de déplacer certaines activités hors du nouveau centre urbain, qui s’est étendu. Ces nouveaux périmètres doivent maintenant être aménagés avec des infrastructures, puis des bâtiments industriels et artisanaux modernes, adaptés aux besoins de l’économie genevoise et à son autonomie en matière d’exportation. Ce lien crucial est établi grâce à une planification à grande échelle.
Quels sont les principaux défis que ce projet de développement urbain doit relever ?
Guillaume Massard : L’un des enjeux majeurs est d’ordre économique. Contrairement à une friche, le secteur compte actuellement environ 20 000 emplois, dont une part importante n’est pas directement liée à l’industrie. Certaines de ces activités resteront sur place, d’autres pourront être relocalisées dans le périmètre. Cependant, un grand nombre d’usines de production et de PME devront céder la place. Le défi consiste donc à accompagner ces acteurs pour qu’ils puissent se réinstaller ailleurs dans des conditions satisfaisantes. L’un des objectifs pour la Fondation pour les terrains industriels de Genève (FTI) est de mener à bien le projet PAV sans que Genève ne perde des emplois ou du savoir-faire industriel et artisanal.