Déboutée par la justice, la Commune a interpellé Berne pour que le vote cantonal d’il y a deux ans soit appliqué.

Avusy perd patience. Plus de deux ans après la votation qui a vu le déclassement de sa parcelle refusé, la sablière du Cannelet exerce toujours son activité en pleine zone agricole. L’entreprise de recyclage de déchets de chantier a fait recours contre le calendrier de son déménagement, et les tentatives de la Commune pour le contourner viennent d’échouer. Alors qu’un déplacement à Vernier se précise, la Commune a lancé plusieurs procédures, jusqu’à interpeller le Conseil fédéral.
Car les mauvaises nouvelles s’enchaînent pour la Mairie, qui vient de perdre en justice: celle-ci avait demandé de lever l’effet suspensif du recours de l’exploitant, pour que le déménagement suive le planning prévu. Les juges genevois, puis le Tribunal fédéral très récemment, ont refusé. Le recours n’implique pas de «dommage irréparable» pour la commune, hormis les nuisances de poussière, de bruit et de trafic, tranche l’arrêt.
Autre élément: le site a été inscrit au cadastre des sites pollués, malgré un recours de l’exploitant. Celui-ci a donc dû mener des investigations, qui ont catégorisé le terrain comme «site pollué ne nécessitant ni surveillance ni assainissement». Les eaux souterraines ne sont pas mises en danger, selon le Service de géologie, sols et déchets (Gesdec). Celui-ci nous confirme que le site est pollué au chrome 6, mais qu’il pourra être rendu à l’agriculture sans travaux. «Ces mesures, qui datent d’il y a plusieurs années, nous ont été cachées à l’époque», tonne le maire d’Avusy, René Jemmely, ce que conteste l’État.
Retrait de l’autorisation
Lasse, la Mairie a lancé plusieurs procédures. Avec l’aide de Me Romain Jordan, son nouvel avocat depuis peu, secondé par Me Stéphane Grodecki, elle a demandé à l’Office des autorisations de construire le retrait immédiat de l’autorisation d’exploiter le site. Elle a également interpellé le Gesdec pour qu’il établisse un ordre d’assainissement, tout en exhortant la justice à trancher sur le recours (déposé il y a un an). Enfin, la Mairie a sollicité le Conseil fédéral: elle dénonce «l’exécution défectueuse par le Canton de l’arrêt du TF de 1998, qui reconnaissait déjà l’exploitation comme illégale».
Pourtant, une signature entre la sablière et la Fondation pour les terrains industriels (FTI) quant à une installation à Vernier serait imminente, comme l’a révélé la «Tribune de Genève». Selon nos informations, le contrat délivrant un droit de superficie de trente ans ne serait toutefois pas encore signé. Contactée, la FTI ne donne pas de détails mais confirme que des discussions sont en cours. L’exploitant, via son avocat, ne commente pas.
Ces négociations laissent le maire d’Avusy sceptique: «Il y a vingt ans, il y avait déjà eu la signature d’une promesse pour que l’entreprise s’installe au Bois-de-Bay, et cela ne s’est jamais fait! L’illégalité de cette installation a pourtant été constatée il y a vingt-cinq ans déjà. Il est temps que le Canton prenne ses responsabilités.»
La poussière dont personne ne veut
D’ailleurs, à Vernier, la nouvelle a été accueillie froidement, ce qui pourrait laisser présager de longues procédures en cas d’opposition à l’autorisation de construire. La résistance politique s’organise: la députée Christina Meissner a interpellé le Conseil d’État, s’interrogeant sur l’installation de la sablière près du quartier de l’Étang. Une résolution s’opposant à sa venue a aussi été votée au Municipal.
Contacté, le magistrat verniolan Mathias Buschbeck tempère: «Nous avons obtenu des garanties, comme le transport des matériaux par rail et la construction d’une halle couverte pour éviter les poussières. Le site est affecté en zone industrielle et ne nous appartient pas. Légalement, il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire.»
Évacuation retardée
Le démantèlement de la sablière devait commencer fin 2021, avec comme première étape l’interdiction d’accueillir de nouveaux déchets. La société devait évacuer les matériaux bruts du site à fin 2022 pour que six mois plus tard, il n’y reste aucun matériau recyclé, et procéder au démantèlement. Le recours a retardé ce planning.
Le Canton se défend de toute erreur de manœuvre. «Cette durée est usuelle pour le démantèlement d’une installation aussi importante, rappelle Antonio Hodgers, conseiller d’État. Il y a des cas où les procédures durent quinze ans!» Le magistrat indique que pour l’éviter, «le Canton a cherché une alternative via la FTI en parallèle des procédures judiciaires.»
Quid du déplacement à Vernier? «C’était hélas écrit d’avance. Je regrette pour Vernier, qui a d’ailleurs voté non au maintien de la sablière à Avusy. Les activités à nuisance auraient été mieux réparties sur le canton.»