De jeunes pousses font changer la Praille

La zone industrielle se libère petit à petit. Des vides se créent, rapidement reconquis par de nouveaux occupants. Start-up, bars ou coworking remodèlent le quartier. Lundi, une table ronde fait le point sur cette mutation.

Tribune de Genève | 16.03.2018 | Par Christian Bernet

On se croirait à la plage. On est en pleine zone industrielle. Route des jeunes, allée H, à deux pas des voies ferrées. Le Pavbar s’est installé ici presque incognito. Un bar à grillades fait de bric et de broc: des palettes, des containers de cargo et des bobines à câbles. Ce matériel industriel rappelle l’origine des lieux. Le nom, lui, dessine un autre avenir pour le secteur. Plus tertiaire, voire plus «cool».

Le PAV, pour Praille-Acacias-Vernets, a déjà donné son nom à un bar. Il incarne surtout le projet de l’État de transformer cette vaste zone industrielle en un nouveau quartier de ville. Dix ans qu’on en parle et, pour l’heure, aucune grue.

On se croirait à la plage. On est en pleine zone industrielle. Route des jeunes, allée H, à deux pas des voies ferrées. Le Pavbar s’est installé ici presque incognito. Un bar à grillades fait de bric et de broc: des palettes, des containers de cargo et des bobines à câbles. Ce matériel industriel rappelle l’origine des lieux. Le nom, lui, dessine un autre avenir pour le secteur. Plus tertiaire, voire plus «cool».

Le PAV, pour Praille-Acacias-Vernets, a déjà donné son nom à un bar. Il incarne surtout le projet de l’État de transformer cette vaste zone industrielle en un nouveau quartier de ville. Dix ans qu’on en parle et, pour l’heure, aucune grue.

Mais, l’air de rien, le quartier bouge. Au milieu de ses 1600 entreprises et du bal incessant des poids lourds, de jeunes pousses émergent comme des plantes pionnières et contribuent à changer l’image du quartier.

Table ronde

Cette mutation discrète fait justement l’objet d’une table ronde. Organisée par le Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (DALE), elle aura lieu le lundi 19 mars dans le bâtiment Sicli.

Le secteur traverse une période de transition particulière, comme l’explique Yves Cretegny, directeur de la Fondation des terrains industriels (FTI). «Les entreprises sont nombreuses, et beaucoup souhaitent y rester. Mais en attente des développements immobiliers, on ne peut plus y faire de travaux. Celles qui doivent se développer quittent le secteur.»

Des vides se créent, des interstices qui pourraient le rester dix ans, voire plus. «On ne peut pas y faire venir de l’industrie, poursuit Yves Cretegny. Mais on peut attirer des petites structures qui peuvent vivre sur un cycle de cinq ans.»

Modeler le quartier

Voilà comment on désindustrialise un lieu, et qu’on laisse à d’autres le soin de modeler le nouveau quartier. «Nous n’inventions rien, admet le directeur de la FTI. D’autres villes l’ont fait, comme Londres.» Ou Zurich. La tour en containers du fabricant de sacs Freitag a longtemps été l’emblème de «Züri-West» avant d’être supplantée par le verre poli de la Prime Tower.

Le profil de ces nouvelles entreprises? Des start-up, du co-working, des bars et le monde de la nuit. Elles trouvent ici des locaux certes vétustes, des baux à courte durée, mais des loyers bas.

La FTI peut jouer un rôle actif puisqu’elle a la vision sur la plupart des parcelles qui lui appartiennent, même si elles sont mises en droit de superficie. Elle participe aussi à certains investissements pour adapter des espaces aux normes. «Dans les anciens locaux d’un bijoutier, nous venons d’installer un accélérateur de start-up basé sur les technologies financières. Ils ont la vue sur Pictet et UBS.»

La FTI se réunit régulièr

ement avec des services de l’État pour tenter de répondre aux demandes, notamment culturelles, qui sont plus nombreuses que l’offre de locaux.

Leçons pour l’avenir

Des établissements festifs comme le Village du soir, Motel Campo et la Gravière, des espaces de co-working comme Voisins participent de ce changement plus ou moins informel. Mais on trouve aussi des entreprises plus classiques, comme Blue-Infinity ou Actua-film, toutes deux implantées depuis plusieurs années, et qui faisaient figure d’extraterrestres à leur arrivée.

Si ces nouvelles poussent contribuent à changer l’ambiance du quartier, leurs besoins doivent aussi inspirer les aménageurs du futur quartier. Si elles sont moins gourmandes en surfaces, ces entreprises sont peut-être plus exigeantes en flexibilité. Leurs jeunes patrons sont aussi plus sensibles aux questions de mobilité partagée ou d’impact environnemental. Enfin, il faudra faire vivre les futurs habitants avec les bars et les lieux festifs. Autant de besoins qu’il faudra faire cohabiter.


Infomaniak, Voisins ou Pavbar: les nouveaux pionniers du PAV

Infomaniak, la manie verte L’informatique n’est pas incompatible avec le local, les circuits courts et l’écologie. C’est le credo d’Infomaniak. Du data center aux adresses e-mail, cette société d’hébergement aux 150 000 clients ne délocalise rien. Elle est 100% sur sol genevois. Créée en 1994, elle va passer de 80 à 120 employés. Il lui fallait de nouveaux locaux.

«La recherche a été très difficile, mais nous avons fini par trouver 1600 m2 à la route des Acacias, des locaux que nous pourrons partager avec des partenaires», se réjouit son patron, Boris Siegenthaler. Le choix du PAV s’imposait. «Je ne me voyais pas déloger mes employés dans une lointaine zone industrielle.»

Et pour cause. À Infomaniak, on favorise le vélo. «Les employés qui viennent à pied ou à vélo ont droit à 1500 francs par année.» Écolo, l’entreprise compense ses émissions de C02 «à 200%».

Boris Siegentaler espère que les opérations du PAV offriront des loyers abordables. «À Pont-Rouge, les CFF ont vendu à de gros investisseurs et les loyers sont beaucoup trop chers. Il faudra que l’État joue son rôle pour faciliter les entreprises locales.» Pour son troisième data center, il espère aussi pouvoir acheter des surfaces afin d’obtenir plus facilement des crédits.

Voisins, le travail à la cool Après deux espaces en ville, la société de coworking Voisins vient d’ouvrir son troisième lieu au 105, route des Jeunes. Une surface de 800 m2 dans un ancien atelier d’horlogerie. Ici, on s’installe avec son portable à une place libre, ou alors on y loue son petit meuble sous forme de secrétaire. On peut aussi utiliser des salles de réunion.

Enfin, on y a vu sept hommes, la cinquantaine, actifs dans la «fintech», se partager 26 m2! avec trente écrans d’ordinateurs. «On est bien ici. Dans le prix, il y a des salles de réunion, du café gratuit et des gens sympas.»

Les espaces, meublés de bois, se veulent professionnels, «mais cool et décalés.» «Vingt entreprises y sont domiciliées pour 80 utilisateurs», relève Kaspar Danzeisen, l’un des associés de Voisins.

Lieu de travail, mais aussi de loisirs. Les jeunes entrepreneurs ont ouvert un bar au rez, qui se prolonge sur une superbe terrasse sur le toit avec vue sur l’autoroute et le stade.

La FTI leur a accordé un bail de cinq ans et a contribué à l’aménagement des lieux, une aide financière remboursée par le loyer. Il a notamment fallu construire un escalier extérieur pour monter à la terrasse.

De l’entrepôt au Pavbar Le dimanche 11 juillet 2004, un terrible incendie ravage un entrepôt, route des Jeunes. Avec ses énormes façades métalliques peintes en jaune, le bâtiment est une figure du secteur. La société de transport Gondrand stocke ici 70 000 m3 de marchandises qui partent en fumée. L’entrepôt ne sera jamais reconstruit.

Signe de la reconversion du PAV, un bar a pris aujourd’hui le relais: le Pavbar. «Je suis arrivé ici par hasard, raconte son patron, Jan Hädrich, ingénieur civil de métier. Le lieu repose sur une dalle à un mètre du sol, il n’est pas pratique pour une entreprise. Il n’y avait rien. J’ai eu envie d’y faire une plage».

Le résultat est conforme aux attentes. La déco, faite de palettes et de containers, donne un air de vacances à un lieu qui mélange subtilement les espaces ouverts et fermés. Grillades en été, fondue en hiver et plat du jour. Le patron ne fait pas de pub, ferme à minuit et le week-end. Mieux vaut réserver en fin de semaine.

La FTI lui a accordé un bail de cinq ans, renouvelable. Jan Hädrich pense qu’on devrait autoriser les bars dans les zones industrielles. «À partir de 18 heures, on ne dérange plus personne. En ville, c’est vite difficile avec les voisins.»


Tables rondes

«Quels développements pour l’économie locale et l’innovation dans le PAV?» Ce sera le thème d’une table ronde, lundi 19 mars à 12 h 15, au Pavillon Sicli, 45, route des Acacias. Seront présents: Antonio Hodgers, conseiller d’État, Sandrine Salerno, conseillère administrative, ainsi que des entreprises du secteur.

Une autre table ronde, «Grosselin, un projet de quartier participatif», aura lieu mercredi à 18 heures, au même lieu.